Tours, 23, 25 et 27 rue Colbert
Ces trois maisons se trouvent sur un îlot autrefois bordé par la rue de la Scellerie au sud, la rue neuve à l’ouest (rue Jules Favre), la rue des Cordeliers à l’est et la Grand Rue au nord (rue Colbert). Jusqu’au XIXe siècle, le couvent des Cordeliers occupaient la plus grande part de l’îlot. Les trois maisons se développent sur 18m de profondeur et de 5m de large [Bonnin, 1979, p. 134]. Ces parcelles laniérées imposent une construction à pignon sur rue, en l’occurrence sur la Grand-Rue qui est l’axe principal de la ville de Tours. Sur chaque parcelle, la maison donnant sur la rue précède une cour et un autre bâtiment construit en fond de cour. Les deux bâtiments sont reliés l’un à l’autre au moyen d’une galerie de circulation attenante à un escalier en vis desservant les étages.
Actuellement, les vis n’existent plus aux n°25 et 27 mais des vestiges sont visibles au niveau de la cave. Les articles 331, 332 et 333 du terrier de Saint-Julien confirment la disposition d’escalier avec galerie, chaque maison possédant [AD 37, H 528, f. 620, 624 et 626] :
Ces trois maisons s’élèvent sur deux niveaux de caves, un rez-de-chaussée accueillant une devanture de boutique, trois étages carrés en encorbellement et un étage de comble. Les maisons sont donc particulièrement hautes. À titre comparatif, à Amboise, la hauteur des maisons en pan de bois est comprise entre 10 et 13 m, ce qui correspond à deux étages [Gaugain 2011, T. 1, p. 365]. La contrainte démographique y est moins forte qu’à Tours qui connaît à partir des années 1450 une croissance démographique rapide [Noblet, 2013, p. 201]. Aussi, Tours doit-elle développer son parc immobilier pour répondre à la demande, ce qui se traduit dans la seconde moitié du XVe et au XVIe siècles par des maisons à trois étages. Les trois façades répondent à la même description. L’encorbellement sur poteaux élargis supporte des sablières de plancher, entretoises et sablières de chambrées sur lesquelles repose une structure en pan de bois à grille : les sablières délimitent les étages tandis que les poteaux corniers, poteaux et tournisses forment les éléments verticaux. Les pièces obliques, appelées décharges, prennent place de part et d’autre des fenêtres. Ces dernières sont ordonnées par une Travée de croisées centrée et une demi-travée rejetée sur le côté. La façade est couronnée d’un pignon à ferme débordante. L’ossature en bois identique et le plan répondant à la même logique distributive démontrent qu’il s’agit d’habitat sériel issu de programmes de lotissement ou de constructions rapides, dont Tours fait l’objet à partir de 1450 [Alix, Noblet, 2013, p. 275]. Cependant, les façades ne sont pas totalement identiques. La position des demi-croisées varient selon celle du couloir, elles se situent à l’extrémité droite pour la maison n°23 et à l’extrémité gauche pour les maisons n°25 et n°27.
Deux petites baies en imposte de la porte du n°23 éclairent le couloir du rez-de-chaussée. Une Accolade avec crochets et fleuron couronne cette porte qui a gardé son décor d’origine. En revanche, le décor sculpté et la peinture des maisons n°25 et n°27 sont l’œuvre des restaurations menées en 1992 par l’architecte Arnaud de Saint-Jouan. Une photographie ancienne révèle la trace d’enduit sur les façades. Pour pouvoir appliquer l’enduit, le décor a été bûché. La suppression des devantures de boutique semble expliquer les modifications du rez-de-chaussée. Un œil averti remarquera que le décor restauré vient se plaquer sur les anciennes pièces de bois ; par endroit, reste bien visible l’espace situé entre les personnages reposant sur un Culot (restaurés) et le poteau d’origine. Julien Noblet évoque les écueils d’une restauration inventée :
« Son étude préalable révèle qu’une seule figure en haut relief des poteaux corniers n’avait pas été bûchée – et qu’elle se trouvait sur la maison voisine au 23 –, que des sondages extérieurs avaient montré les vestiges de larmier mouluré sur la sablière de chaque étage. L’objectif de la restauration est alors le suivant : « Le résultat consiste à retrouver au maximum les dispositions d’origine, en remplaçant les pièces de bois très vétustes, en recréant la mouluration disparue : les fenêtres à croisillons, les larmiers, la sculpture des poteaux et des culots, les appuis des baies moulurées, etc. ». En définitive, la quasi totalité des bois changée, une iconographie inventée et une mise en couleurs qui repose non pas sur la trace de pigments observés, mais restituée « selon des traces que l’on retrouve sur diverses constructions médiévales en Touraine, qu’elles soient en bois ou en pierre ». » [Noblet, 2013, p. 207].
Bibliographie et sources
Alix Clément, Noblet Julien, « Les maisons en pan de bois de Blois : réévaluation du corpus d’une ville ligérienne XVe-XVIe siècle », Alix Clément, Épaud Frédéric (dir.), dans La construction en pan de bois : Au Moyen Âge et à la Renaissance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.
Archives départementales d’Indre-et-Loire (AD 37), H 528, plan terrier de Saint-Julien de Tours (XVIIIe siècle).
Base POP, PA00098217.
Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979].
Gaugain Lucie, Le château et la ville d’Amboise : architecture et société aux XVe et XVIe siècles, thèse d’Histoire de l’Art sous la direction d’Alain Salamagne, Université François Rabelais de Tours, [2011].
Noblet Julien, « L’architecture en pan de bois à Tours : nouvelles perspectives » dans Alix Clément, Épaud Frédéric (dir.), La construction en pan de bois : Au Moyen Âge et à la Renaissance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.